Le vent et la grisaille ne semblaient pas faire peur aux enfants les plus jeunes. C'était le constat indéniable que faisait Solweig, alors qu'elle était passée nounou pour la journée. Elle ignore encore de quelle façon elle s'est faite roulée, mais le piège devait avoir été parfaitement bien ficelé. La veille au soir, sa meilleure amie était venue la trouver afin de savoir si le lendemain, elle pourrait la dépanner en prenant Stanislav. Le petit garçon n'est autre que son filleul, elle se devait de parfois s'occuper de lui. Il ne porte plus de couche, ce qui rend les choses plus faciles, les promenades moins problématiques et il est plutôt sage. Ce ne serait donc pas un soucis que de trouver quelque chose pour l'occuper. Mais le lendemain matin, ce n'est pas avec un gamin que Laverne s'est présentée, mais avec deux. Le bébé de son beau-frère dans les bras, elle gesticulait dans tous les sens en lui disant qu'elle ne savait qu'en faire. Tout le charabia qu'elle lui avait servi, était entré par une oreille, pour ressortir au plus vite par l'autre. La seule chose qu'il y avait à retenir, c'est que Solweig s'est retrouvée avec un nourrisson dans les bras, une poussette devant elle et un bambin qui la regardait avec un grand sourire malicieux. La journée serait longue et ça, elle le sentait par avance. Laverne lui avait indiqué l'adresse des frères Rogue, si jamais le temps ne se montrait pas très sympathique. Les deux garçons n'y seraient pas, bien sûr, mais elle pourrait s'y abriter avec les enfants. C'était déjà cela de pris, parce qu'elle ne se voyait sûrement pas rester bêtement dehors sous la pluie. Par chance, le bébé, elle ne l'avait gardé que quelques heures, avant que le grand-père maternel de ce dernier, ne vienne le récupérer. Il ne lui restait alors plus que le petit Stan sur les bras.

Aussi, une fois seuls en tête à tête, Solweig en avait profité pour faire les magasins avec lui. Elle l'avait également emmené manger dans un restaurant, avant une petite séance au cinéma, voir le dernier Disney de sortie, puis la fin de journée s'était passée dans le parc. Le petit garçon jouait avec d'autres enfants, pendant que sa marraine le surveillait, assise sur une balançoire. Tous les bancs étaient occupés et quand elle a essayé de s'asseoir où il y avait de la place, une espèce de folle dingue armée de trois enfants, n'a pas arrêté de lui parler. La jolie Suédoise s'était sentie agressée quelque part, au point de finir par se lever pour aller s'asseoir sur une balançoire. Certes, ce n'était pas bien polie de sa part, mais au moins, il n'y avait plus personne pour essayer de lui faire la conversation. Mais pourtant, elle n'était pas tranquille pour autant, pestant intérieurement contre tous ces gens qui crachaient leur bonheur aux yeux de tous. Ne pouvaient-ils pas se contenter de se taire ? Ou au moins de se faire discrets ? Non, bien sûr. Il fallait tout faire pour la replonger dans ses souvenirs difficiles. Un père qui joue avec sa fille est une scène anodine pour beaucoup, mais pas pour elle, c'est des flashs de son enfance qui ne cessent de revenir à la surface. Pire encore lorsqu'elle s'est retrouvée dans le bureau du Médicomage qui la suit. Il y avait un cadre avec une photo animée de lui et de sa fille adolescente. Ils semblent tellement bien s'entendre, qu'elle en aurait presque ressenti un pincement au cœur. Qu'est-ce qu'elle aurait aimé être aussi proche de Bryan, que Shafiq semble l'être de sa fille. Solweig aurait vraiment tout donné pour avoir la même complicité avec son père.

Son regard s'était posé sur Stanislav qui faisait du toboggan, un peu plus loin. Il n'avait de cesse de l'appeler pour qu'elle le regarde descendre, faisant naître un petit sourire au coin de ses lèvres. Finalement, peut-être qu'à la place de vivre constamment dans le passé et d'envier les autres pour leur bonheur, elle devrait se bouger pour fonder sa propre famille ? Elle faisait ce constat intérieurement, en se disant qu'elle aurait ainsi plus simple d'être heureuse, qu'en s'accrochant au souvenir d'un père qui l'a lâchement abandonné. Mais Solweig sortit de ses tristes pensées quand son filleul s'élança en appelant sa mère, qui venait d'arriver dans le parc. Il retourna quasiment aussitôt jouer et Laverne s'approcha de son amie.

« Tu peux t'asseoir, je t'ai gardé cette balançoire. Et ça n'a pas été facile, une petite peste rouquine, avec d'affreuses tâches de rousseur, a tenté de la voler à trois reprises. »

Solweig c'est une fille assez snobinarde sur les bords. Elle n'est pas forcément imbue de sa personne, mais tout de même plutôt vantarde. A tel point, que la jolie blonde est persuadée que si un jour elle se reproduit, ses enfants seront magnifiques. Elle peut même déjà dire, qu'elle en aura deux. Une fille et un garçon. Pour le moment et heureusement, les prénoms ne sont pas choisis, même s'il y a fort à parier que le fils s'appellera sûrement Bryan. La blonde tourna la tête dans la direction de la brune, avec un petit sourire accroché à ses lèvres.

« Tu m'as bien eu en me collant le bébé dans les pattes. Tu sais bien que je n'ai aucune fibre maternelle, c'est la dernière fois que je me ferai avoir. »

Ce qui est faux. Solweig ne ferait jamais de mal à un enfant, mais si son amie en doute, elle réfléchira à deux fois avant de lui confier les gamins en garde.