Rodolphus se trouvait à Poudlard depuis très peu de temps. Trop peu pour avoir eu envie de s'investir dans cette nouvelle vie, qui lui était imposée. Devait-il se plaindre ou non ? Son frère le pousserait vers la seconde proposition, mais fallait-il encore que Rodolphus fasse le deuil de sa vie passée. Ses nombreux manoirs ne lui manquaient pas plus que ça. Sa fortune – dont toute sa partie reviendra à ses filleuls à sa morts – continuait de gagner en intérêt, dans l'un des coffres de Gringott's. Mais revenons un peu sur le mot filleul. Celui-ci reprenait, depuis peu, un s en signe de pluriel. Chose que Rodolphus n'avait plus utilisé depuis bien des mois maintenant. Parce qu'il avait cru sa petite blonde préférée, morte depuis la Nuit Rouge. Mais en prenant connaissance de la liste des élèves dont il aurait la charge, le nom de Solweig l'avait frappé. Ce n'est pas un prénom courant et avec un patronyme sentant la Suède à plein nez, le Mangemort ne pouvait pas se tromper. C'était sa filleule, la petite princesse de Bryan. Sa première enfant et celle qu'il a le plus chéri parmi ses trois premiers gamins et Rodolphus en est certain. Alors, comme une évidence, le dîner arrivant, il avait daigné sortir de son appartement, pour rejoindre la Grande Salle. Son regard balayait l'endroit, s'attardant sur la table des étudiants. Il y en avait des têtes plus ou moins connues, mais une seule d'entre elles, sauta directement aux yeux de Rodolphus. Son cœur manqua un battement et sa mâchoire failli se décrocher. Elle était là, quasiment en face de lui, si on fait abstraction des tables réservées aux élèves de Serpentard et Gryffondor. Il la reconnaîtrait entre toutes, pourtant, il ne l'a pas souvent vu. Probablement que la dernière fois, elle n'était qu'une toute petite fille innocente. Aujourd'hui, c'était une magnifique jeune femme et pour rien au monde, Lestrange en aurait douté. Il se souvient encore de la toute première fois que son regard s'était posé sur le visage de cette petite poupée. Elle n'avait que quelques heures, tout au plus et il était la première personne que Bryan avait prévenu de sa naissance. A cet instant, jamais il n'aurait imaginé que celui qui fut de loin son meilleur ami, lui demande d'être le parrain de Solweig. Leurs chemins s'étaient séparés depuis le mariage de Rodolphus, chose qu'il avait toujours regretté. Chose qui l'a toujours chagriné et qu'il a toujours voulu arrangé, sans y parvenir. Cette fierté l'en empêchait. Qu'est-ce que Bryan aurait pensé de lui, si Rodolphus était venu le trouver pour lui dire qu'il lui manquait ? Aujourd'hui, bien plus que jamais, Levinson lui manque cruellement. C'est certainement la personne qui lui manque le plus au monde, lui ouvrant ainsi les yeux sur les mauvais choix qu'il a longtemps fait. Si c'était à refaire, jamais plus il ne remettrait en danger leur amitié pour une femme. Ça n'en vaut pas la peine.
Songeur, son assiette n'avait qu'à peine diminuée de taille. A présent, il lui semblait bien impossible de parvenir à arranger les choses. Si ce n'est en prenant soin de la gamine de son ami. Et autant qu'il s'en souvienne, c'était justement un vingt-neuf août qu'elle était venue au monde. Il s'en souviendra probablement jusqu'à sa mort, alors qu'après la Nuit Rouge, cette date était devenue soudainement douloureuse pour lui. Il n'en avait jamais parlé avec Bryan, parce qu'il était trop tard pour changer ce qu'il s'était passé. Mais depuis cette Nuit sanglante, le Mangemort conservait un paquet sur lui. Un présent qu'il voulait offrir à sa filleule cette même année. En ayant vu son nom sur la liste des étudiants de sa confrérie, Lestrange avait repris cette boite, la gardant dans la poche intérieur de sa veste. Il comptait lui offrir, mais sûrement pas là, au beau milieu de la grande salle, remplie d'élèves, d'étudiants et de professeurs. On serait capable de dire qu'il se ramollit. Bien que ça ne soit pas le cas, puisque son côté humain est toujours resté dissimulé au fond de son cœur. Parce que dans son monde, pas le droit à l'erreur, pas le droit de s'attacher, pas le droit d'aimer … jamais. Peut-être qu'il était temps de changer les choses. Je ne dis pas que Rodolphus Lestrange deviendra subitement quelqu'un de différent, mais intérieurement, il s'autorisera peut-être à ressentir des choses positives. Qui vivra, verra.
Le dîner se terminait tard, comme quasiment tous les soirs à Poudlard. Les Professeurs traînent, les étudiants les imitent et seuls les élèves sont rapidement conviés à rejoindre leurs dortoirs. Impatient, le Mangemort finit par capituler, quittant la pièce pour monter dans les étages. Il prenait tout son temps, n'attendant que d'être dépassé par quelques élèves. Solweig n'était pas bien loin derrière lui et il s'en rendit rapidement compte, alors qu'il changeait de direction. Attendant encore un peu, sa main vint entourer le poignet de la jeune femme, pour la stopper dans son élan. Bien sûr, quand c'est Rodolphus qui vous tombe comme ça, sur le poil, première chose, c'est craindre pour sa vie. Pourtant, loin de lui l'idée de toucher à un seul cheveu de cette fille. Il ne manqua absolument pas le regard qu'elle lui lançait. Il lui faisait peur et par Salazar, qu'il se sentait mal. Généralement, ce sentiment dans les yeux de ses victimes, ne fait que satisfaire sa fierté, mais là, ce n'était pas le cas.
« Je ne vais rien te faire. Je te donne ma parole Solweig. »
Il desserra son emprise sur le bras de l'étudiante. Libre à elle de s'enfuir si elle y tenait, Rodolphus ne cherchera pas à l'arrêter. Mais il espérait qu'elle accepte de l'écouter, d'autant qu'il lui a fait une promesse. Et même s'il est pourri jusqu'à l'os, lorsqu'il donne sa parole, ce Mage Noir ne revient jamais dessus.
« Je voulais juste m'assurer que c'était bien toi. Que tu étais bien en vie. »
Le coin de ses lèvres s'était étiré en un sourire, alors que leurs regards s'étaient croisés. C'était elle, il en était sûr et certain. Il ne pouvait pas se tromper et comme elle ne semblait pas vouloir crier au secours, Rodolphus en profita pour reprendre la parole.
« Tu as tellement grandi. Il y a vingt ans de ça, tu étais minuscule. Ça ne me rajeunit pas, mais tiens, accepte ce cadeau pour ton anniversaire. Je voulais te l'offrir il y a longtemps, mais je n'en ai pas eu l'occasion … et je n'ai jamais pu me résoudre à le donner à quelqu'un d'autre. »
Rodolphus ne s'attendait pas à être accueilli à bras ouverts par sa filleule. Il ne l'avait quasiment pas connu et encore moins vu grandir. Emprisonné parmi les premiers Mangemorts arrêtés, Solweig était encore très jeune quand la descente aux enfers a eu lieu. Elle était dans son plein droit pour lui en vouloir, c'est vrai qu'il était absent. Contre gré évidemment, parce qu'il aurait largement préféré être auprès d'elle, plutôt qu'à Azkaban, mais le destin ne lui avait pas laissé le choix. Il n'était même pas conscient de ce qu'il se passait dehors, complètement coupé du monde. Il n'y a qu'après un certain temps, qu'il avait appris que Bryan Levinson avait été, arrêté à son tour. Ils pouvaient tout juste communiqués, mais rien de plus. Rodolphus ne lui avait pas demandé pourquoi il avait été mis en prison, persuadé que c'était pour la même raison que la sienne et celle de tous les autres Mangemorts. Donc la question ne se posait pas. Peut-être aurait-il dû ? S'il avait su ... Puis, il y a eu la nuit rouge et là encore, Rodolphus n'avait rien su des intentions de son meilleur ami. Leur relation s'était distendue malgré eux, à cette époque. Il ne pouvait pas imaginer que Bryan voulait mettre un terme à l'existence de ses propres enfants. Ce n'est qu'après, lorsqu'il a appris, qu'il a pensé que c'était bien trop tard. Mais Solweig avait raison, ce n'était pas grâce à lui si elle était encore en vie. Il s'en voulait d'avoir été un si mauvais ami et un si mauvais parrain.
"A Azkaban, je ne pouvais rien faire, je n'étais même au courant de rien du tout Solweig. J'aurai largement préféré être présent, plutôt que d'avoir encaissé tout ce qu'il m'est arrivé là-bas."
Ce qu'il lui est arrivé, il n'en a jamais parlé. Mais comme beaucoup de prisonniers et même plus régulièrement que d'autres, ses journées n'ont pas été des vacances. Ce n'était pas tendre, ce n'était pas tranquille. Il était voué à un bien triste destin et c'était le premier sur la longue liste. Mais Solweig avait raison, de toute façon, s'il s'est retrouvé enfermé là-bas, c'est bien à cause de ses actes passés. S'il avait agi différemment, peut-être que rien de tout le reste ne se serait produit ? Mais c'est impossible de refaire le monde, le passé restant toujours inchangé. Il lui faudrait parvenir à choper un retourneur de temps et à moins de changer quasiment quatre décennies sur presque cinq, il ne voit pas d'autre moyen. Alors, trouver des excuses, tenter de lui faire comprendre les actes de son père, ne serviraient à rien du tout, d'autant que lui-même n'est pas en mesure de réellement les comprendre. Il avait donc préféré lui tendre ce cadeau d'anniversaire, qui lui tient tant à cœur. Rodolphus n'aura jamais d'enfant, jamais de descendance à qui transmettre un héritage. Mais il le peut maintenant qu'il a retrouvé sa filleule. Ce n'est peut-être pas son sang qui coule dans ses veines, mais elle est de sa famille, tout comme peut aussi l'être son filleul, Wulfric Mulciber. Toutefois, la jeune Sorcière ne semblait pas refuser son présent, ce qui le toucha, tout comme ses paroles, un peu maladroites, mais qu'il comprenait parfaitement.
"Tu n'as rien besoin de dire. Accepte-le, c'est déjà beaucoup."
A plusieurs reprises, Solweig semblait le comparer à Bryan. Elle le comparait à son père. Il est vrai que techniquement, il aurait aussi été en âge de l'avoir pour fille, mais ça n'a pas été le cas. Heureusement pour elle, parce qu'il ne lui aurait pas offert la mère rêvée.
"J'ai toujours eu plus de recul que Bryan, même si nous avons été élevés de façons similaires. Ton père s'est retrouvé pris dans un engrenage sans fin. Je ne tente pas de lui trouver des excuses ou de te faire comprendre l'impossible, et encore moins de chercher à obtenir ton pardon pour ses actes. J'ignore beaucoup de choses sur cette période qui a entouré ton enfance et je n'ai pas vraiment envie de connaître toute l'histoire ... De toute façon, on ne peut pas dire comment on aurait réagi à sa place."
Même si dans le fond, Rodolphus sait qu'il n'aurait peut-être pas été aussi violent que son ami l'a été envers cette gamine. Mais son but n'est sûrement pas d'enterrer son meilleur ami, alors même s'il ne cautionne pas certains de ses actes, il n'a pas l'intention de vraiment le dire à haute voix.